Le déni de l'Holocauste : Une forme dangereuse de haine des Juifs


Le 13 janvier 2021, un homme a été appréhendé après avoir peint à la bombe des croix gammées géantes sur les portes de la Congrégation Shaar Hashomayim, la plus grande synagogue de Montréal. Lorsqu'il a été arrêté, il transportait un bidon d'essence. La police l'a accusé d'avoir proféré des menaces et de posséder un engin explosif.
À la suite du conflit entre le groupe terroriste Hamas et Israël en mai, on a assisté à une augmentation inquiétante des incidents antisémites dans le monde entier, y compris au Canada. Des institutions et des entreprises juives ont été prises pour cible, des étudiants juifs ont été montrés du doigt sur les campus et des Juifs ont été agressés verbalement, menacés dans leur quartier et attaqués à coups de pierres.
En outre, il est devenu courant pendant la pandémie que ceux qui ne sont pas d'accord avec la politique gouvernementale déforment l'Holocauste et nient sa signification en utilisant des étoiles jaunes et des pancartes ornées de croix gammées pour protester contre les mesures de santé publique. Ces comparaisons absurdes ne sont pas seulement offensantes, elles créent aussi la division alors que l'unité est nécessaire.
Bien que le Canada reste l'un des meilleurs pays au monde pour être juif, ou toute autre minorité d'ailleurs, les faits sont clairs : antisémitisme est en augmentation. Selon Statistique Canada, les Juifs restent la minorité religieuse la plus visée par les crimes de haine dans notre pays. Cette situation devrait préoccuper tous les Canadiens en raison de ce qu'elle nous apprend sur notre société. Il est vrai que les juifs sont les plus touchés par antisémitisme, mais l'histoire nous a appris à maintes reprises que lorsque antisémitisme augmente, la société qui lui permet de se développer s'effondre au détriment de tous.
Alors, que faire ?
Au CIJA, nous avons plaidé pour la mise en œuvre de mesures concrètes, notamment l'établissement d'un partenariat de sécurité entre tous les niveaux d'application de la loi et la communauté juive, sur le modèle du Community Security Trust (CST) du Royaume-Uni. De même, nous avons plaidé avec succès à plusieurs niveaux de gouvernement pour l'amélioration du programme d'infrastructure de sécurité (SIP) et avons soutenu l'adoption de la définition de antisémitisme de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste afin d'aider les décideurs politiques et les forces de l'ordre à comprendre le antisémitisme contemporain.
Aujourd'hui, nous demandons au gouvernement fédéral de criminaliser le négationnisme.
Alors que les discours de haine, d'obscénité et de diffamation sont des formes d'expression restreintes au Canada, le négationnisme a échappé à ces limites, malgré ses racines dans des tropes antisémites insidieux qui diffament les Juifs, notre histoire et notre expérience vécue. Cette forme pernicieuse de antisémitisme représente bien plus qu'un révisionnisme historique offensant. Le négationnisme est un indicateur fiable de la violence à l'encontre des Juifs. La violence contre les Juifs est un indicateur fiable de l'érosion des fondements de la société civile. D'autres démocraties ont reconnu ce lien, comprenant que les discours qui déclenchent des résultats prévisibles et désastreux (tels que le négationnisme) devraient être restreints, et ont adopté une législation en conséquence.
En 1990, le gouvernement français a adopté la loi Gayssotqui criminalise la représentation d'attaques antisémites, racistes ou xénophobes et érige en délit la remise en cause de l'existence de "crimes contre l'humanité" tels que définis dans la Charte de Nuremberg. La loi Gayssot a été déclenchée par des attaques antisémites visant la communauté juive française, notamment des bombes à essence lancées contre des synagogues, des graffitis racistes et des menaces de violence. Le point d'ébullition a été atteint lorsqu'un groupe de personnes a escaladé les murs du cimetière de Carpentras - le plus ancien cimetière juif d'Europe -, renversé 34 pierres tombales et déterré de façon horrible le corps d'un marchand de tapis juif récemment décédé, déroulé son linceul et laissé son cadavre en décomposition aux oiseaux. Deux jours plus tard, 200 000 personnes se sont rassemblées dans les rues, déclenchant la décision du gouvernement de criminaliser le déni de l'Holocauste.
De même, la législation allemande visant à renforcer les efforts de lutte contre le déni de l'Holocauste a également été adoptée en réponse à la montée de antisémitisme. Au début des années 90, avec le développement du mouvement néo-nazi d'extrême droite, des synagogues ont été incendiées et des attaques violentes contre des Juifs et des étrangers ont fait plus de 30 morts. En 1994, l'Allemagne a modifié ses lois, qui criminalisaient déjà l'"incitation néo-nazie", pour inclure la négation de l'Holocauste dans les infractions pénales.
De la même manière que antisémitisme est un prédicteur particulièrement fiable d'un déclin plus corrosif et plus fondamental des valeurs sociétales, le négationnisme est un signe avant-coureur extrêmement précis qui sert de mise en garde. Si la ligne rouge du négationnisme est franchie, il est certain que d'autres formes d'attitudes transgressives et haineuses se développeront. La création de cette ligne rouge est un disjoncteur intégré qui peut alerter la société sur des tendances dangereuses avant qu'elles ne s'installent, ne s'enracinent et ne contaminent le discours social.
Alors que nous célébrons aujourd'hui la Journée internationale de commémoration de l'Holocauste, nous devons nous unir pour honorer la mémoire des six millions de personnes qui ont été assassinées et nous réengager à lutter contre la montée de antisémitisme au sein de notre communauté. En s'inspirant d'autres démocraties, le Canada devrait modifier son code pénal pour faire du déni de l'Holocauste un acte criminel.
Ce n'est qu'une fois équipés des outils appropriés que nous pourrons garantir que les Juifs, les autres minorités et tous les Canadiens puissent vivre à l'abri de la haine, du racisme et du sectarisme.
Simon Koffler Fogel est président-directeur général du Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA), l'agence de représentation de Fédérations juives à travers le Canada.
