Le 3 juin 2022 a marqué le début de The Forgotten Exodus - A Canadian Refuge, une exposition de portraits à Bibliothèque et Archives Canada à Ottawa de la dernière génération de juifs sépharades-mizrahi nés en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et en Iran qui ont immigré au Canada. L'exposition raconte "l'histoire de réfugiés qui portent en eux de la nostalgie et parfois des souvenirs douloureux, et tout cela [...] est gravé sur leurs visages". Ces émotions et ces souvenirs nous sont étrangement familiers, à moi et à ma famille.
Ma mère est l'une des nombreuses personnes juives qui ont fui leurs maisons où leurs familles s'épanouissaient depuis des générations. Selon les statistiques officielles, entre les années 1940 et le début des années 1970, plus de 850 000 Juifs ont été contraints de quitter leur foyer en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, laissant derrière eux des êtres chers, des vies, des biens importants et des actifs.
À Bagdad, où les Juifs représentaient un tiers de la population, ma mère, comme les générations qui l'ont précédée, était profondément intégrée. À la maison, ils parlaient arabe. Leurs voisins et amis étaient juifs, musulmans et chrétiens. Mon grand-père, Saleh Kahtan, était député et conseiller juridique du ministre des finances, et ma grand-mère, dans son enfance, jouait avec les enfants du sultan.
Le Farhoud a marqué un tournant pour les Juifs d'Irak. Les 1er et 2 juin 1941, un pogrom meurtrier inspiré par des sympathisants nazis irakiens a tué plus de 180 Juifs de Bagdad, et plusieurs centaines d'autres ont été mutilés, violés, battus et blessés. Près d'un millier de maisons juives ont également été détruites. À partir de ce moment, les incitations et les violences antijuives se sont infiltrées dans la vie quotidienne. En 1951, des milliers de Juifs irakiens avaient quitté le pays, mais ils n'étaient autorisés à le faire que s'ils laissaient tout derrière eux, même leur citoyenneté, une condition que mon grand-père a refusée, pensant qu'il y aurait d'autres occasions de partir. Ma mère ne le reverra plus jamais.
Le déplacement forcé, la dépossession et l'expulsion des Juifs des pays arabes ont été marqués par des incitations officielles, des vols, des manifestations violentes, des incendies criminels, des pogroms et des meurtres, ce qui a eu pour effet d'éteindre plus de 2 000 ans de vie et de culture juives au Moyen-Orient.
Malgré tout, en moins d'une génération, plus de 850 000 Juifs ont pris un nouveau départ et ont construit une nouvelle vie et de nouvelles racines pour leurs enfants, en veillant à ce que leur apatridie ne soit pas transmise. Ils sont aujourd'hui des citoyens actifs et fiers de leurs nouveaux pays d'adoption à travers le monde, certains ayant choisi le Canada comme nouvelle patrie.
Malheureusement, la communauté internationale n'a jamais accordé beaucoup d'attention à l'histoire des réfugiés juifs des pays arabes.
Au Canada, suite aux demandes du Congrès juif canadien (prédécesseur du CIJA) en 1956, le gouvernement canadien a décidé, "compte tenu des besoins humanitaires urgents", de déroger aux protocoles et de faciliter l'installation des Juifs d'Afrique du Nord au Canada. En mars 2014, le Canada a officiellement reconnu le sort des Juifs qui ont fui ou ont été expulsés des pays arabes. Leur tragédie a également été reconnue par l'Assemblée nationale du Québec.
C'est l'histoire de ma mère, mon histoire, et ce sont mes racines. Je suis fier du travail accompli par le CIJA, tant au niveau provincial que fédéral, pour faire reconnaître le sort des réfugiés juifs des pays arabes. Des initiatives telles que celles entreprises par Sephardi Voices et son fondateur Henry Green jouent également un rôle essentiel dans la sensibilisation à cette question.
Cependant, pour faire le deuil de la perte et tirer les leçons du passé, il est essentiel de sensibiliser à cette partie de notre histoire. L'exposition Forgotten Exodus s'accompagne de la donation de The Sephardi Voices, Collection canadienne Victor et Edna Mashaalune série de près de 100 interviews, portraits, documents et photographies relatant les histoires de vie de la communauté canadienne sépharade et mizrahi, qui sera déposée aux archives nationales.
En 2014, le gouvernement israélien a fait du 30 novembre une journée de commémoration des réfugiés juifs des pays arabes et de l'Iran ; le Canada est, avec les États-Unis, l'un des rares pays à reconnaître également l'expérience de ces réfugiés juifs. Néanmoins, il reste encore beaucoup à faire en matière de sensibilisation et de compréhension. Le 2 juin, peut-être pas accidentellement l'anniversaire des Farhoud, notre histoire fera désormais partie de notre patrimoine canadien, documenté à Bibliothèque et Archives Canada, chronique de notre passé afin que d'autres puissent en tirer des leçons.
Je suis la prochaine génération de cette histoire, une fière Montréalaise, Québécoise et Canadienne, avec des racines profondes au Moyen-Orient et des générations d'expériences vécues, d'héritage et de culture que je continuerai à me rappeler, à chérir et à partager.
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